Dans un communiqué en date du 7 janvier 2003, la direction de l’AP-HP a annoncé que la responsabilité de l’organisation et du fonctionnement de l’Unité d’oncologie de l’adolescent et de l’adulte jeune de l’hôpital Avicenne, dont le Dr Nicole Delépine était jusque-là responsable, était confiée au Pr L. Guillevin, chef du service de médecine interne dans le même hôpital. Ce communiqué se veut rassurant pour la pérennité de l’unité et pour le maintien des fonctions du Dr Delépine qui « continuerait à assurer l’ensemble des activités cliniques de l’unité : traitement, prescriptions et information des patients ».
Cette annonce pourrait faire croire que les problèmes qui se posent depuis des mois dans cette Unité, en particulier du fait du manque de personnel, se trouvent du même coup résolus.
En réalité les contraintes qui sont désormais imposées au Dr N. Delépine sont telles qu’il lui est, à l’évidence, impossible de les accepter :
A la suite d’une rencontre avec la directrice de l’AP-HP, dans une lettre en date du 20 décembre, le Pr L. Guillevin lui écrit en effet « qu’il assurerait le suivi quotidien des malades, dont elle aurait établi le protocole chimiothérapique » et il ajoute que « ceci le conduirait à faire la visite au quotidien et à prendre en charge les problèmes d’antibiothérapie, de nutrition, de la douleur et de la politique transfusionnelle ».   Â
Ceci signifie clairement que le Dr N. Delépine se trouve en fait déssaisie de sa liberté de prescription, pourtant reconnue à tout médecin par le Code de Déontologie ( article 8 ). Un tel déssaisissement par l’administration paraît absolument inconcevable, car s’agissant d’un problème purement médical, il ne pourrait être prononcé que par une instance médicale, telle que le Conseil de l’Ordre des Médecins, et uniquement en cas de faute grave.
Les formulations du communiqué de l’AP-HP concernant la mission confiée au Pr Guillevin confirment cette hypothèse, puisqu’il s’agirait de « rétablir un fonctionnement normal en assurant le respect des réglementations en matière de formalisation des prescriptions de traitements, examens et protocoles, la définition des orientations de l’unité en matière de lutte contre la douleur et l’application des procédures d’hygiène nécessaires en cas d’isolement protecteur des malades ». Cela tendrait à faire croire que le Dr Delépine et son équipe prescriraient en dépit du bon sens et ne prendraient pas en compte la douleur du patient et les procédures d’hygiène nécessaires. De tels propos sont gravement insultants.
 Nous tenons par ailleurs à rappeler que pas une fois en l’espace de 20 ans une plainte n’a été déposée contre elle ; bien au contraire des centaines de parents défendent avec acharnement l’Unité du Dr N. Delépine et exigent des pouvoirs publics qu’ils puissent continuer à refuser que leur enfant se trouve inclus dans un essai randomisé, comme cela est le cas dans tous les autres services d’oncologie pédiatrique français. Ils exigent également de conserver la possibilité de choisir une autre alternative, à savoir celle de bénéficier dans l’Unité du Dr N. Delépine, d’un traitement « personnalisé » donnant, de l’aveu même du Pr Tursz, Directeur de l’Institut G. Roussy, des résultats supérieurs à ceux constatés dans les études multicentriques.
Dans sa lettre au Dr N. Delépine, le Pr L. Guillevin précise en outre que les enfants de moins de 12 ans ne pourront plus être admis dans l’Unité. Cette décision est pour le moins paradoxale, puisque N. Delépine est pédiatre depuis 1973 et que de plus, dans une note datant de novembre 1998, le Ministère de la Santé précisait qu’elle pouvait hospitaliser, à titre dérogatoire, tous les enfants sans limite d’âge, s’ils avaient déjà été traités par elle dans le passé.
Madame Van Lerberghe, Directrice de l’AP-HP a certes demandé au Pr L. Guillevin, dans une lettre en date du 7 janvier, que « s’agissant de l’âge d’admission des jeunes patients, il lui fasse des propositions sur les conditions de dérogation à définir.». Mais dès hier, le Pr L. Guillevin a refusé l’admission de la petite Orlane, âgée de 3 ans ½, qui attend depuis des mois l’autorisatioin d’être admise dans l’Unité de N. Delépine.
Au total :
-              Le Dr N Delépine se verrait dans l’impossibilité de prescrire librement le traitement des malades qui lui sont confiés ou qu’elle a déjà traités dans le passé.
-              De nombreux jeunes malades, tels que la petite Orlane, ne pourraient plus avoir accès aux soins que leur état nécessite.
Ceci est manifestement contraire aux droits des malades et s’oppose aux règles déontologiques des médecins, qui interdisent toute limitation de l’indépendance professionnelle des médecins par leur employeur. L’article 95 du Code de Déontologie précise en effet  « qu’en aucune circonstance le médecin ne peut accepter de limitation à son indépendance dans son exercice médical de la part de l’employeur ou de l’organisme qui l’emploie ».
Le Ministère de la Santé s’est, à plusieurs reprises, prononcé pour le maintien de cette Unité et pour son développement dans un site approprié, permettant un accueil de tous les enfants pour des soins curatifs aussi bien que palliatifs. Il s’est également prononcé pour le maintien dans ses fonctions du Dr Delépine, afin que les traitements apportés aux jeunes malades puissent continuer à leur être assures, comme ils l’étaient dans le passé
 Compte tenu de la situation présente, nous attendons du Ministère qu’il prenne les mesures correspondant aux engagements pris, afin de sortir d’une situation contraire aux intérêts des malades. Qu’il permette au Dr N Delépine de disposer des moyens en locaux, en personnel médical et paramédical, pour qu’elle puisse exercer son métier de pédiatre-oncologue sans restriction d’âge pour les patients, répondant ainsi à la demande croissante des familles de disposer d’un service de pédiatrie oncologique indépendant.
Pour le Comité de vigilance :
Professeur F. Guérin
Ancien chef du service de cardiologie de l’hôpital Cochin
Membre du Conseil Départemental de l’Ordre des Médecins de Paris
Président de l’Association Médicale de Défense de la Déontologie et des Droits des Malades